Interprète, tel est le terme qui caractérise l'activité de Paul FUSTIER.
Ses incontournables et néanmoins abondants travaux de recherche en psychologie à l'université Lumière-Lyon 2 lui valurent le titre de professeur émérite. Il a particulièrement interprété les phénomènes à l'œuvre dans les relations entre patients et soignants, entre professionnels et personnes accueillies dans les institutions sociales et médico-sociales. Nous laisserons à d'autres, plus qualifiés que nous, le soin de resituer l'immense rayonnement des contributions de Paul FUSTIER à l'évolution des modalités d'accompagnement des plus démunis psychiquement et socialement, en France et bien au-delà de nos frontières.
Interprète, il l'est pour nous, non seulement dans sa profonde connaissance de cet instrument de musique qu'est la vielle à roue, mais aussi dans sa pratique assidue du jeu qu'il a partagé avec nous depuis la création de l'ORchestre Ecole de Vielle à rouE (OREVE), il y a 6 ans.
Cet instrument, qu'il aimait qualifier de « bizarre », était devenu une passion, au point d'en avoir étudié l'engouement qu'il a suscité à l'époque baroque, sous le règne de Louis XV et de la reine, Marie Leczinska qui, le rappelait-il pour l'anecdote, en jouait très mal. Cette étude a fait l'objet d'une thèse en musicologie et publié chez L'Harmattan en 2006 sous le titre: La vielle à roue dans la musique baroque française, instrument de musique, objet mythique, objet fantasmé ? Cette passion l'a amené à collecter des œuvres, dont certaines, spécialement écrites pour la vielle puis, à constituer un fond documentaire de partitions anciennes d'une très grande richesse.
Figure de légende, donc, dans l'orchestre, Paul nous initie à la subtilité des ornementations auxquels le galant se livre dans son jeu pour séduire sa bien-aimée. Cheveux platine hirsutes, situé au deuxième rang avec sa vielle alto du luthier Philippe MOUSNIER, Paul accompagnait avec bonheur, à son pupitre altiste et ténor, les joutes courtisanes des vielles sopranos.
Lors des concerts que nous avons donnés, il était tout naturellement chargé de dévoiler à un public médusé l'étonnante mécanique qui se cache sous cette lutherie trompeuse, que l'époque baroque avait emprunté au luth, et pourtant si originellement singulière. Paul jouait du mystère autant qu'il transmettait à ces regards perdus les rudiments d'un fonctionnement aussi complexe que les accords qu'ils proposaient sur une mélodie gracieuse, dans une harmonie maîtrisée.
Malgré toute cette sagesse et ce savoir cumulés, il savait avec tendresse se glisser dans l'habit de l'élève de nos deux musiciens professionnels et se plier aux rigueurs des esthétiques contemporaines, avide autant d'apprendre que de soutenir l'ambition de l'orchestre de « décontaminer l'instrument, ..., de lui fournir ces quartiers de noblesse en lui donnant des attributs aristocratiques et en lui trouvant une place honorable dans la famille des instruments prestigieux que pratiquent ou écoutent les personnes de qualité »(p.283).
Assurément, en musicien de qualité, en belle personne, Paul laisse une portée sans voix. Mais à travers l'orchestre et les âmes de ses vielles réunis, la présence de Paul se manifestera tant que tourneront les manivelles, sonneront chiens, mouches et bourdons et s'accorderont les chanterelles.
A Paul, toute notre admiration.